Rencontre avec Manuel Mathieu, artiste et créateur de la marque qui porte son nom.
Pouvez-vous nous présenter brièvement votre marque ?
Manuel Mathieu Parfums est le prolongement olfactif de ma pratique d’artiste multidisciplinaire. Après avoir beaucoup travaillé avec la peinture, la sculpture, l’installation et la vidéo, je me suis tourné vers la parfumerie pour explorer le parfum comme un médium de narration et de résonance émotionnelle. En collaboration avec la parfumeure Juliette Karagueuzoglou, de chez IFF, j’ai lancé cette première collection, Chapter 1, composée de trois fragrances unisexes : Dsire, Île noire et ECCCO.
Selon vous, qu’est-ce qui rend votre marque unique ?
Je pense que ce qui distingue Manuel Mathieu Parfums, c’est sa fusion entre l’exploration artistique et la parfumerie. Chaque parfum est profondément personnel. Un geste sculptural et émotionnel, ancré à la fois dans mon histoire intime et dans une mémoire collective. Les flacons, que j’ai façonnés à la main à partir d’un moule en argile, soulignent davantage mon engagement envers l’artisanat et l’individualité.
Île noire est un hommage aux paysages d’Haïti, mêlant des notes de bois de chêne et de tabac pour évoquer la maturité et la profondeur. C’est le premier parfum que nous avons créé pour Chapter 1, une exploration de mes racines à travers la distance et la diaspora. Il porte en lui le poids de la terre, du sel et des fleurs en deuil, en écho à ma quête de la manière dont la forme peut émerger de l’émotion, et comment la mémoire peut devenir matière par le biais d’apparitions.
ECCCO est le plus énigmatique des trois. Un parfum qui agit comme un rituel ou un autel, évoquant le cuir fumé et les notes de vanille, représentant les rémanences d’une éruption volcanique fictive. Je voulais faire ressentir la texture d’un sol volcanique encore marqué par le feu : dense, minéral, presque ancestral. C’est l’équivalent olfactif de mes tableaux, faits de couches superposées comme la peau, chargés de la présence invisible de l’histoire et de la résilience.
À l’inverse, Dsire évoque des souvenirs sensuels de mon passé. C’est un désir blessé, insaisissable, lié à la jeunesse, aux tropiques et aux souvenirs. Il joue avec une senteur lumineuse mais non innocente, empreinte de tensions entre tendresse et perte.
Quels temps forts prévoyez-vous pendant la Grasse Perfume Week ?
Un moment clé pour moi et mon équipe sera la présentation de ce projet olfactif en tant que geste artistique. Il s’agit de mettre en lumière la profonde connexion entre l’olfaction et l’art, et de souligner la dimension métaphysique portée par les parfums.
Que représente pour vous la ville de Grasse, berceau de la parfumerie ?
Grasse symbolise, pour moi, le lien que j’ai établi entre ma marque et l’épicentre de la parfumerie. Le fait que nos fragrances y soient produites est à la fois symbolique et concret, puisqu’il célèbre les racines de la marque dans la tradition française, et souligne l’importance du savoir-faire artisanal.
La ville a-t-elle joué un rôle dans votre parcours ou dans l’univers créatif de votre marque ?
Absolument. La collaboration avec Juliette, qui est basée à Grasse, a été essentielle pour concrétiser ma vision. L’héritage de la ville en matière de parfumerie, associé à ses ressources et à son expertise, nous a permis de créer des parfums à la fois profondément personnels et universellement résonants.
Qu’attendez-vous de votre participation à notre événement ?
Participer à la Grasse Perfume Week est une belle opportunité de présenter ce projet mêlant art et parfum à un public averti. C’est aussi l’occasion de dialoguer avec d’autres parfumeurs et professionnels du secteur, de nourrir une réflexion collective et de valoriser des approches innovantes en parfumerie. Cet événement constitue une plateforme idéale pour affirmer notre engagement à raconter des histoires par le biais du parfum, tout en tissant un lien fort avec le patrimoine de Grasse.